VISMAVILLE en CONFINEMENT // AU BALCON // Episode 9
Aujourd'hui est arrivé ce dont je rêvais.
Etre obligée de me dire: « Non, bloque toi 1 heure seulement, si non, à la fin du confinement, tu passeras la journée sur ce trottoir »
J'arrive au pied de l'immeuble très agacée par le nombre de personnes croisées pour aller jusque là : Des parents avec leurs enfants, dans tous les sens, à trottinette, à velo, à pieds, ballon sous le bras. Tous en direction du petit bout de parc de l'immeuble de brique orange.
Tous là, ensemble, des enfants, pleins d'enfants, qui jouent ensembles. Des parents... Pauvre idiots... Sûrement des supers héros plus fort que le coronavirus. Sûrement au dessus de cela. Sûrement avec plein d'excuses dans leur tête pour faire cela. Et cette ville qui se découvre pleine de runners. Des gens qui courent, qui soufflent fort comme on respirait en cours d'EPS en hiver pendant la course longue et interminable, à faire des ronds dans le rectangle de la cour de l'école.
Me voilà au pied de ces gens. Ces « voisins » qui discutent déjà entre eux.
Je fais la connaissance de Christophe, bel homme, époux de Nabila, papa du petit Eliam.
Liliane, tout là haut, nouvelle dans l'aventure, est informée par Catherine, sur le balcon d'en face. Liliane me fait coucou, le sourire lumineux. Ses cheveux argents semblent de coton vu d'en bas. Liliane à 87 ans, et est dans son appartement depuis 40ans. Elle me dit qu'elle a eu la chance de faire des études et qu'elle parle anglais, mais qu'elle est sourde maintenant. Elle lit sur les lèvres. Comme maman. Ma mère. Brillante et exigeante.
Liliane adore le scrabble. J'hésite à lui demander de me le balancer par le balcon...
Marcel est là, pour ses courses et sa photo du jour avec un magnifique chapeau noir sur la tête.
L'autre Marcel arrive, accompagné d'un jeune homme masqué. Marcel s'étonne que je me souvienne de son prénom. Marcel me l'avait promis, il me présente l'infirmier de son épouse : Steeve.
Steeve est jeune, mais est infirmier à domicile depuis 10 ans déjà.
Steeve me raconte son quotidien. Levé à 4H, à 4H30 chez le premier patient, avec des masques même pas FPP1. 7 masques pour la semaine... N'importe quoi me dit il. Un de ses collègues s'est fait casser sa voiture. Les infirmiers se font braquer pour des masques, du gel hydroalcoolique et leur caducée. Il me dit ça avec un sourire de résignation et des yeux mouillés. Il est beau, ça petite moustache se dessine au dessus de ce masque qui semble déjà fatigué de sa journée. Il va pourtant falloir qu'il tienne jusqu'à ce soir ...
Sur leur balcon, la famille de la petite Lina est là au RDV. Eléonore arbore un incroyable tatouage.
Maintenant, petite Lina me parle, me montre, m?envoie des bisous !
Il y a des gens partout sur les balcons, je salue ,par ci, par là. Les salutations sont respectueuses, chaleureuses.
Entre temps, Catherine m'a expliqué qu'elle se faisait des masques au café. C'est nouveau. C'est spécial confinement.
C'est a ce moment que le miracle de la journée arrive. Odette. Elle aura 100 ans le 13 Novembre 2020. Elle est arrivée à Issy les Moulineaux en 1973 et habite là depuis 20 ans. Odette faisait partie de l'amicale de l'immeuble. Elle faisait des crêpes. Tout le monde l'aime Odette dans cet immeuble. Sa fille, Anne-lise, vit avec elle depuis 2 ans. Depuis le décès de son mari. Anne lise à 76 ans. Je vous ai dit miracle ? Le miracle à ce moment, c?est ça : Sous mon impulsion, Anne-lise propose à sa mère de venir sur le balcon. Odette n'est pas allée sur le balcon depuis ... Elle ne sait plus depuis combien de temps. le confinement, Odette connait.
Un déambulateur apparait, puis une tête de coton tige, la chevelure en premier, d'un blanc neigeux. Odette sort. Mon coeur se serre. c'est grâce à moi non ? J'ai le souffle court, la nuque qui tire à force de regarder le ciel. Ça fait 9 jours que je regarde le ciel et que les muscles de ma nuque me rappellent cette expérience, chaque soir lorsque je me couche.
Odette s'est installée, sur son balcon, elle regarde dans ma direction. je suis tellement loin d'elle. Elle est là, le troisième balcon en direction du ciel. Elle me sourit, me fait signe. Mon coeur cogne chargé de sang. La voilà libre, sous la chaleur du soleil de Mars, au vent du jour, chaud de midi. Odette, aujourd'hui, est sortie de son confinement.
Il est déjà midi, je réalise la dernière photo avec Lina. Notre photo du jour. Et je pars sans me retourner, pour ne pas avoir envie de continuer. Il me faut me bloquer une heure. Si non, à la fin du confinement, j'y passerai la journée ici.
Ah au fait, j'ai croisé Florence (La dame qui s'était blessée au genou). Elle n'était pas là hier. Je me faisais du souci. C'est étrange comme l'absence déboite le coeur en ce moment.
Nathalie n'est pas non plus réapparue à sa fenêtre...
VISMAVILLE IN CONTAINMENT // AT THE BALCON // Episode 9
Today happened what I was dreaming about.
Having to say, "no, just lock yourself in for an hour, or else, at the end of lockdown, you'll be on this sidewalk all day."
I arrive at the foot of the building very annoyed by the number of people crossed to get there: Parents with their children, in all directions, on scooters, bicycles, on foot, ball under the arm. All in the direction of the little piece of park of the orange brick building.
All there, together, children, lots of children, playing together. Parents... Poor fools... Probably superheroes stronger than coronavirus. Probably above that. Probably with lots of excuses in their heads for doing it. And this town turning out to be full of runners. People running, blowing as hard as you breathe in P.E. class in the winter during the long, endless run, making circles in the schoolyard rectangle.
Here I am at the feet of these people. These "neighbours" who are already talking to each other.
I meet Christophe, a handsome man, husband of Nabila, father of little Eliam.
Liliane, up there, new in the adventure, is informed by Catherine, on the balcony opposite. Liliane says hello to me with a bright smile. Her silver hair looks like cotton from below. Liliane is 87 years old, and has been in her apartment for 40 years. She tells me that she had the chance to study and that she speaks English, but that she is deaf now. She reads lips. Just like Mommy. Like my mom. Brilliant and demanding.
Liliane loves Scrabble. I hesitate to ask her to throw it from the balcony...
Marcel is there for his shopping and his photo of the day with a beautiful black hat on his head. ?The other Marcel arrives, accompanied by a young masked man. Marcel is surprised that I remember his first name. Marcel had promised me, he introduces me to his wife's nurse: Steeve.
Steeve is young, but has been a home nurse for 10 years already.
Steeve tells me about his daily life. He gets up at 4:00 am, at 4:30 am at the first patient's, with masks not even FPP1. 7 masks for the week... Anything he says to me. One of his colleagues had his car broken down. Nurses get robbed for masks, hydro-alcoholic gel and their caduceus. He tells me that with a resigned smile and wet eyes. He is handsome, his little moustache stands out above this mask that seems already tired from his day. But he'll have to hold out until tonight...
On their balcony, little Lina's family is there for the meeting. Eleanor has an incredible tattoo.
Now little Lina talks to me, shows me, sends me kisses!
There are people everywhere on the balconies, I greet, here and there. The greetings are respectful, warm.
In the meantime, Catherine explained to me that she was making masks at the café. It's a new thing. It's a special kind of confinement.
That's when the miracle of the day happens. Odette. She turns 100 on November 13, 2020. She arrived in Issy les Moulineaux in 1973 and has lived there for 20 years. Odette was a member of the building's friends. She made pancakes. Everyone in the building loves Odette. Her daughter, Anne-lise, has been living with her for 2 years. Since the death of her husband. Anne-lise is 76 years old. Did I tell you about the miracle? The miracle at that moment is this: On my impulse, Anne-lise asked her mother to come to the balcony. Odette hasn't been on the balcony since ... She doesn't know how long. the confinement, Odette knows.
A walker appears, then a head of cotton wool, the hair first, snow-white. Odette comes out. My heart tightens. It's thanks to me, isn't it? I'm short of breath, my neck is tugging as I look at the sky. I've been looking at the sky for nine days and the muscles in my neck remind me of this experience every night when I go to bed. ?Odette has settled down, on her balcony, she looks in my direction. I'm so far away from her. There she is, the third balcony towards the sky. She smiles at me, waves at me. My heart is pounding with blood. There she is, free, under the warmth of the March sun, the wind of the day, warm at noon. Odette, today, has come out of her confinement.
It's already noon, I'm taking the last photo with Lina. Our photo of the day. And I leave without looking back, so that I don't feel like continuing. I need to block myself for an hour. If not, at the end of the lockdown, I'll be here all day.
Oh by the way, I ran into Florence (The lady who had injured her knee). She wasn't here yesterday. I was worried. It's strange how absence dislocates the heart these days.
Nathalie hasn't reappeared at her window either...