Accepte-le, Un album portugais 1919-1979
La fiction de l'album
1979, à Lisbonne, Fernanda, veuve et mère esseulée se décide à rompre le silence avec son fils Guilherme, qui, après les terribles années de guerre en Angola achevées par la Révolution des Oeillets, a quitté le Portugal. Une femme mystérieuse a surgi dans la vie de Fernanda en lui faisant parvenir par la poste une lettres des photos de famille. Son histoire lui cause un électrochoc. Est-elle un fantôme ? Où un fantasme ? Une illusion ? Il ne restera que ces petites photos de famille d'un autre temps et d'un lieu qui n'est plus. Fernanda mélange dans son propre album de famille ses propres images familiales aux photographies reçues un an auparavant de cette Catarina qui prétend être sa soeur originaire d'Afrique et choisit de l'envoyer pour faire à son fils cette bouleversante révélation sur leurs origines. Le regard ému de cette mère de famille reconstituant sa propre histoire à la lumière d'images qu'elle fait siennes, comme de nouveaux souvenirs et des fragments d'identité, entraîne le lecteur dans sa vie depuis son enfance à son âge actuel. L'album restitue, au milieu des événements joyeux qu'on trouve d'ordinaire dans un album (naissances, baptêmes, vacances, fiançailles, mariage...), le lourd secret de sa famille. L'histoire nous conduit au Portugal, en Guinée Bissau et en Angola, anciennes colonies portugaises, au XXe siècle.
La démarche
« Accepte-le, un album portugais 1919-1979 » est à la fois une démarche personnelle, une collection, un livre de photographie, ainsi qu'une édition limitée tirée à 15 exemplaires, tous deux publiés chez The Eyes Publishing à l'automne 2016. La série est composée de photographies anonymes collectées, de documents de nature et de statut différents acquis à Lisbonne. Ni roman-photo, ni documentaire-fiction, cette histoire place la photographie au premier plan d'une construction littéraire. Elle explore une histoire de famille portugaise éclatée entre deux rives de l'Océan Atlantique, pendant la dictature. Elle se lit et se voit d'abord dans un album de famille manipulé et créé de toute pièce.
Arrivée à Lisbonne en 2014, j'ai collecté pendant deux ans des images anonymes de famille à Feira da Ladra, le marché aux puces de la ville. La rencontre accidentelle avec un visage sur une vieille photographie a déclenché chez moi, photographe, un départ de rêve comme un départ de feu. Près de cinquante ans de dictature et la chute de l'empire portugais, conséquences des violentes guerres coloniales en Afrique pendant les années 60, ont muselé les mémoires individuelles et ont flouté la mémoire collective, malgré la Révolution des ?illets et le changement de régime, en 1974. Quarante ans plus tard, ce passé récent est encore un sujet délicat et, bien souvent, tu. Etrangère à cela, j'ai choisi de travailler autour du silence qui recouvre le fracas de ce monde disparu, mais dont les résidus existent et sont à portée de main. C'est aussi de la mémoire collective dont il s'agit, celle du Portugal en premier lieu, mais aussi, la mémoire de l'Europe, marquée par les tragédies et les vagues d'immigrations. Mais ce n'est pas tout. Si ces photographies m'intéressent, c'est aussi qu'elles s'apparentent pour moi à un bien commun universel et offrent la possibilité de parler de l'intime. Lorsque je regardais toutes ces images, j'avais la sensation d'une troublante ressemblance entre ces personnes. Je suis partie de ce que j'ai vu en me projetant littéralement dans ces images. Faisant confiance à l'inconnu, mes pensées m'ont emmenée vers l'autre, cet autre portugais qui m'est devenu soudain familier, à travers sa vie de famille et sa mémoire abandonnée au marché aux puces. Je me suis réappropriée l'histoire de ces gens en leur redonnant une place dans mon récit, quitte à changer le cours de leur propre trajectoire.
Accept it, A Portuguese Album 1919-1979
The fiction of the album
1979, in Lisbon, Fernanda, widow and lonely mother, decides to break the silence with her son Guilherme, who, after the terrible years of war in Angola completed by the Carnation Revolution, has left Portugal. A mysterious woman has appeared in Fernanda's life, sending her by mail a letter with family photos. Her story caused her an electric shock. Is she a ghost? Or a fantasy? An illusion? All that will remain are these little family photos from another time and place that is no longer there. Fernanda mixes in her own family album her own family pictures with the photographs received a year before from this Catarina who claims to be her sister from Africa and chooses to send her to make this upsetting revelation about their origins to her son. The moving gaze of this mother reconstructing her own story in the light of images she makes her own, as well as new memories and fragments of identity, draws the reader into her life from her childhood to her present age. In the midst of the joyful events usually found in an album (births, baptisms, vacations, engagement, marriage...), the album restores the heavy secret of her family. The story takes us to Portugal, Guinea Bissau and Angola, former Portuguese colonies, in the twentieth century.
The process
"Accept it, a Portuguese Album 1919-1979" is a personal approach, a collection, a photography book, as well as a limited edition of 15 copies, both published by The Eyes Publishing in the fall of 2016. The series is composed of anonymous collected photographs, documents of different nature and status acquired in Lisbon. Neither photo-novel, nor documentary-fiction, this story places photography at the forefront of a literary construction. It explores the story of a Portuguese family split between two shores of the Atlantic Ocean during the dictatorship. It is first read and seen in a family album that is manipulated and created from scratch.
When I arrived in Lisbon in 2014, I spent two years collecting anonymous family pictures in Feira da Ladra, the city's flea market. The accidental encounter with a face on an old photograph triggered in me, a photographer, a dreamlike departure like a fire start. Nearly fifty years of dictatorship and the fall of the Portuguese empire, consequences of the violent colonial wars in Africa in the 1960s, have muzzled individual memories and blurred the collective memory, despite the Islet Revolution and the change of regime in 1974. Forty years later, this recent past is still a delicate subject and, very often, you. Foreign to this, I have chosen to work around the silence that covers the din of this vanished world, but whose residues exist and are within reach. It is also about collective memory, first and foremost that of Portugal, but also the memory of Europe, marked by tragedies and waves of immigration. But that is not all. If I am interested in these photographs, it is also because I see them as a universal common good and they offer the possibility of talking about the intimate. When I looked at all these images, I had the feeling of a troubling resemblance between these people. I started from what I saw by literally projecting myself into these images. Trusting the unknown, my thoughts took me to the other one, this other Portuguese who suddenly became familiar to me, through his family life and his memory abandoned at the flea market. I reappropriated the history of these people by giving them back a place in my story, even if it meant changing the course of their own trajectory.